année 1847-1848
Insurrection républicaine à Paris
L'année 1847, il y a eu un jubilé à l'occasion du nouveau pape Pie IX. Ce fut une année remarquable par la grande quantité de vin qu'il y eu à St-Martin et dans tous les pays de vignobles. On ne se souvient pas d'en avoir vu autant à St-Martin et le prix de la vendange a roulé sur 20 francs. Le prix du blé a diminué à 8 francs, mais n'empêche que tout le monde s'est plaint car le travail n'allait pas bien.
Je vais essayer de vous décrire la crise révolutionnaire de 1848, suite à une lettre reçue de Paris, écrite par Etienne Féchet ancien boulanger résidant 12, rue du faubourg du Temple, et frère de mon oncle Clément Féchet de la Jubilière :
L'opposition avait prémédité un banquet de réformes pour le 22 février. Les ministres ne l'avaient pas admis et le 22 au matin, on fit afficher dans tout Paris que le gouvernement le repousserait avec la force brutale de tous les moyens que l'on pourrait prendre pour l'empêcher. Le 22, la chambre a tenu séance et Odilon Barrot mis les ministres en accusation et responsables de tous les événements qui pourraient survenir. Le rendez-vous du banquet était la place de la Madeleine où devaient se rendre les députés de l'opposition et beaucoup de personnes de France et une partie des gardes nationaux drapés des affiches. Le banquet n'a pas eu lieu, mais je ne saurai dire combien de millier d'hommes se portèrent à la Madeleine et sur la place de la Concorde la foule était extême.
La nuit du 22 au 23, les esprits se sont fermentés, toute la populace de Paris à 10 heures du matin s'attroupait, chantant "la Marseillaise". A 1 heure, l'après-midi, les ministres ont porté l'oblique du roi au petit-fils et la Duchesse d'Orléans fut à la chambre à 3 heures pour présenter son fils et accepter la couronne. Odilon Barrot était à la tribune parlant pour adopter la duchesse qui était accompagnée du Duc de Nemours. Le peuple s'est porté en foule à la chambre brisant les portes pour entrer de toutes parts avec fusils et bayonnettes en avant, mettant le Président en joug. La Duchesse se trouvait là avec les 2 enfants, le Duc de Nemours en habit de régent. Tous se sont échappés comme ils ont pu. On entre et crie "à bas Philippe et toute sa race sera pendue". On avait fait courir le bruit vers les 6 heures que le roi avait donné sa démission. Tout Paris était content et toutes les croisées étaient illuminées.
A 10 heures, il passait beaucoup de bandes de 2000 hommes environ avec des torches allumées et criant "à bas Philippe, à bas ses ministres !" et sur le boulevard des Capucines, à l'hôtel du ministère étranger, on fit une décharge sur la populace : 40 furent morts sans compter les blessés. Le peuple crit : "nous sommes trahis, aux armes !". Ils se portèrent chez les armuriers enfoncèrent les portes et prirent tout ce qu'il trouvait d'armes.
La nuit du 23 au 24, la polulace se portait sur tout les corps de garde, désarma les soldats et après on se porta dans toutes les casernes où ils rendirent les armes. On commença à faire des barricades dans tout Paris et quoique la ville était bien défendue par la garde municipale, à 6 heures du matin après le combat, la place était jonchée de morts et de chevaux. C'est au palais Royal que le feu a été le plus défendu par la garde.
A 10 heures le peuple était maître, il est entré dans le château du roi du Palais royal, a tout cassé, brisé les glaces, tous les meubles, tentures, tous les livres jetés par les croisées et brûlés, le corps de garde rasé.
De là, on s'est porté au château des Tuileries où il y avait 300 hommes de garde. Ils ont échangé quelques coups de fusils et se sont rendus. La populace a entré dedans et a tout cassé. On n'a pas touché à la Chapelle, on a entré dans les caves, on a bu et tout cassé les bouteilles. De là, on a été à Neuilly, château de plaisance du roi, on a tout cassé et brûlé le château.
Le roi avait confiance à la garde municipale et ne croyait pas que la populace prennent le dessus. A midi, il était encore aux Tuileries, mais il prit peur et finit par se soustraire de la populace en se déguisant et sortir par la porte du jardin des Tuileries. Là, il se trouvait une mauvaise voiture, il monta dedans avec la reine et partirent sans aucune provision et peu d'argent pour faire leur route et passer en Angleterre.
On a enrôlé tout de suite 2500 gardes nationaux mobiles, et on a aussi engagé ceux qui voulaient signer de 16 ans jusqu'à 30 ans pour 30 sous par jour. En peu de temps, il y a eu 200.000 hommes de garde.
Pendant que Paris était sans dessus-dessous, toute la France était dans l'inquiétude. On ne recevait des nouvelles de Paris que par télégraphe.
Enfin on apprit avec douleur que la république était proclamée. Alors la consternation a été à son comble, les braves gens gémissaient en se rappellant les atrocités commises pendant l'autre république, mais la populace faisait retentir ses cris "Vive la république".
On criait au pillage à Lyon, à St-Etienne et en bien d'autres villes. Le peuple s'est porté dans les couvents qui avaient des métiers, on les a brûlés, sans même épargner le mobilier de certains. On s'est aussi porter vers les campagnes, pour brûler les maisons qui avaient des métiers. Les curés et les bourgeois étaient aussi menacés, les drapeaux rouges flottaient sur tous les clochers. Tout de suite le commerce a cessé, l'argent s'est caché, ceux qui avaient des créanciers n'ont pu se faire payer. La caisse d'épargne payait peu et avec peine.
A Lyon, la populace s'est emparée des forts et menaçait de brûler la ville. A Rive-de-Gier, elle s'est emparée de l'administration, de la poudre et des armes. Enfin la terreur était si grande que plusieurs bourgeois ont été obligé de se cacher ou de sortir du pays, car leur vie était menacée.
Cependant la populace n'a pas pu faire ce qu'elle a voulu, on a tout de suite organisé la garde nationale dans toutes les villes et mêmes les campagnes pour tenir la police, car les soldats ne voulaient pas se battre. Une assemblée nationale a été convoquée dans chaque canton pour nommer des députés. Tout citoyen âgé de 21 ans pouvait voter. Cette assemblée a eu lieu le jour de Pâques dans toute la France et le jour suivant dans chaque canton. Ses élections se sont faites avec assez de bon ordre.
Cependant, les communistes mettaient tous leurs efforts pour attraper les candidats qui n'étaient pas fait à leur faveur et en donnaient d'autres, mais malgré tous leurs efforts, la majeure partie a été des bons. (les communistes étaient une société composée de la lie du peuple. Il y avait là tous ceux qui s'étaient échappé des galères, partout ils voulaient que tout soit en commun, que tout le monde travaille, pas plus les uns que les autres et qu'il n'y aurait plus besoin d'argent. En un mot, ils ne savaient pas ce qu'ils voulaient ou plutôt ils auraient voulu le pillage).
Les députés se sont rendus à Paris et tout le monde attendait cette assemblée espérant qu'elle mettrait le bon ordre, mais pas du tout, le commerce n'a pas augmenté. Ils ont nommé un pouvoir exécutif contenu de 5 députés. Ils y en avaient que l'on pensait bon et qui étaient des traîtres. En un mot, les choses en sont venus à une sanglante bataille à Paris, dont heureusement la troupe avec les gardes nationaux ont remporté la victoire. Ensuite le pouvoir exécutif a été donné au général Carvagnac, avec beaucoup d'arrestations, on a mis la ville de Paris en état de siège et la police a été mieux écoutée.
Maintenant, revenons un peu en arrière. La populace qui semblait que tout lui était permis et croyait avoir fait leur fortune avec la répulique, tenait la France dans la consternation. Chacun faisait sa morale et présentait son opinion. Il y en avait qui voulait répandre le sang et couper les têtes à tous les bourgeois et aux prêtres afin de piller leurs biens. Enfin, c'était abominable et comme le commerce n'allait pas bien, il ne gagnait pas beaucoup et un grand nombre était à ne rien faire.
Alors le peuple disait : "nous irons dans les campagnes, nous pillerons". Il semblait que les paysans étaient fait pour satisfaire leurs caprices. En effet, on envoyait des bandes qui parcouraient les campagnes disant qu'ils n'avaient pas d'ouvrage, demandant du pain, sans faire d'insultes, et à d'autres endroits où ils se voyaient plus forts, se faisaient donner de l'argent, à boire et à manger. Cependant, celà n'a pas eu de suite, bien qu'à Rive-de-Gier plusieurs complots avaient été formés qui n'ont heureusement pas réussit. On avait projeté de mette le feu en plusieurs endroits de la ville, pendant que d'autres sonneraient le tocsin et d'autres cachés en embuscade auraient tirés des coups de fusil contre ceux qui leur auraient porter secours. Ils espéraient assassiner un grand nombre de personnes, et ensuite piller. Mais on a été averti à temps et on a empoigné celui qui montait au clocher, et celui qui a tiré un coup de fusil sur un autre en le blessant dangereusement. On avait fait courir le bruit qu'on allait venir par la campagne pour se faire donner tous les fusils, mais çà n'a rien été, enfin, on était toujours sur le qui-vive.
A Rive de Gier, l'administration municipale, sans prévenir l'entrepreneur chargé de la construction de l'église St-Jean s'empara de celle-ci et du chantier en cours, dont le matériel fut dilapidé, brûlé ou volé. Par 3 fois l'église servit de salle de banquets, de club et de salle de vote. Cependant, les processions du Saint Sacrement furent autorisées dans les 2 paroisses en juin 1848, tout comme à Paris où en février, pendant les mauvaises journées, aucune profanation n'eut lieu dans les églises restées ouvertes. Le manque d'argent retarda la reprise des travaux qui n'eut lieu qu'en 1849.
Ensuite, on faisait travailler les ouvriers qui n'avaient pas d'ouvrage et pas de ressource, dans les chantiers nationaux, tels que les places publiques et surtout les grandes routes.
Enfin le commerce allait très mal, ajouté à celà un impôt forcé qui augmentait les impositions de presque moitié : 45 centimes par franc !
Le blé a baissé, mais surtout le vin de 20 francs la bareille, il est passé à 12 à 13 francs. On trouvait du bon vin à 10 fancs la bareille. Comme on ne pouvait pas le vendre, il en a beaucoup resté et il a aussi tourné.
Le 3 août 1848, il est tombé une grêle épouvantable qui a ravagé St-Martin et les paroisses voisines. Elle a presque tout emporté, le vin n'a presque rien valu et ressemblait à de la piquette.
Le 10 décembre, on a procédé à l'élection d'un Président de la République en la personne de Louis-Napoléon Bonaparte. (voir médaillon)
Il a été élu avec une victoire écrasante de 74% au premier tour du suffrage universel, pour un mandat de quatre ans.
Le 30 décembre 1848 est décédé à Lyon, Jean-Baptiste Bonnand de Grange-Blanche, époux de Philippine Goutagneux de St-Martin la Plaine. Il fut tendre époux, âgé de 32 ans il a laissé des regrets à tous ceux qui le connaissaient et surtout à son épouse beaucoup d'embarras, car elle n'était pas encore bien au courant du commerce de l'épicerie, et elle s'est trouvée enceinte de plusieurs mois. On a été obligé de former un conseil de famille et de faire les formalités selon la loi pour les mineurs.
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Date de dernière mise à jour : 24/01/2019